Newsletter – AVRIL 2023

Finance inclusive verte : une nécessité et une opportunité pour les IMF au Moyen-Orient et en Afrique du Nord 

Comment le secteur de la microfinance régional peut-il contribuer à gérer les risques climatiques et continuer à renforcer les moyens de subsistance ?

Le changement climatique représente un risque majeur pour nos économies, notamment en raison de ses conséquences sur la résilience des entreprises et la viabilité des moyens de subsistance. Dans la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MENA) en particulier, les catastrophes climatiques sont de plus en plus fréquentes et de plus en plus sévères. La Banque mondiale estime que la région MENA subira les pertes économiques les plus importantes au monde en raison de la pénurie d’eau due au changement climatique, à savoir 6 à 14 % du PIB d’ici 2050. Les plus touchés par ces changements sont les individus à faibles revenus et les petites entreprises, dont les moyens de subsistance peuvent être précaires et qui disposent de peu de moyens d’atténuation et d’adaptation.

Heureusement, le secteur de la microfinance de la région connaît bien les besoins de ces populations et ses acteurs sont bien placés pour mobiliser leur expertise et fournir des services financiers qui peuvent contribuer à relever ces défis. Avec les bonnes actions et une approche de finance inclusive verte, les institutions de microfinance (IMF) peuvent protéger à la fois leurs clients et le secteur dans son ensemble contre les risques climatiques à grande échelle et la détérioration des conditions environnementales locales.

La finance inclusive comme réponse à la crise alimentaire et climatique en Afrique

Les organisateurs de la SAM (Semaine africaine de la microfinance) ont mis en place un webinaire dans le cadre de la Semaine de l’inclusion financière, qui a eu lieu en octobre 2022 à l’initiative du Center for Financial Inclusion. Cet article revient sur les conclusions tirées par le panel.

L’objectif de cette session consistait à passer en revue les stratégies utilisées par les acteurs de la finance inclusive en réponse aux problématiques du secteur agricole, qui est le plus touché par les changements climatiques et reste l’un des moins financés, en raison de son haut risque perçu par les investisseurs.

Le panel était composé de trois experts du secteur : Jacques Afetor, directeur exécutif d’Assilassimé Solidarité, une IMF togolaise, Nadia Ouriemchi, chargée de programme au sein de l’ONG luxembourgeoise ADA, et Emmanuel Vuillod, chargé des partenariats à la SIDI, un investisseur français et partenaire actif de l’initiative « Smallholder Safety Net Upscaling Programme (SSNUP) », destinée à accroître la productivité et la résilience des petits exploitants agricoles. Le panel a été modéré par Renée Chao-Beroff, directrice générale de Pamiga Finance, réseau d’IMF en Afrique de l’Ouest.

Un accompagnement vers des pratiques agricoles respectueuses de l’environnement

L’environnement agricole est très exposé aux aléas climatiques qui engendrent des effets néfastes sur les cultures, comme des sécheresses, des inondations ou des épidémies liées à la hausse des températures. Afin de protéger leurs récoltes, les petits exploitants ont recours à des herbicides et des produits chimiques qui peuvent avoir des effets néfastes sur la santé des producteurs et la biodiversité s’ils sont mal maîtrisés. Les panélistes ont alors expliqué comment ils répondent à cette problématique. L’IMF Assilassimé s’est associée avec des fournisseurs d’intrants biologiques afin que ses clients puissent utiliser des fertiliseurs et pesticides respectueux de l’environnement. La SIDI, quant à elle, finance de jeunes producteurs africains pour qu’ils puissent se fournir en intrants biologiques.

Par ailleurs, Assilassimé, dont le portefeuille est constitué à 92% de femmes, a évoqué l’impact plus important des changements climatiques subis par les femmes qui doivent parcourir de plus longues distances pour trouver de l’eau et qui sont davantage exposées aux risques sanitaires en milieu rural. Il est donc important d’intégrer une dimension genrée dans les interventions et les investissements agricoles afin de pallier à ces inégalités.

Parmi les solutions pour réduire les risques et s’adapter aux changements climatiques, Assilassimé préconise aux agriculteurs de diversifier leurs productions agricoles ainsi que leurs activités génératrices de revenus en général. Par exemple, un cultivateur de maïs peut se lancer dans l’élevage de bovins, quand un autre agriculteur peut se tourner vers la culture du farro ou du fonio, céréales adaptées aux sécheresses.

Le représentant de la SIDI a rappelé que les investisseurs s’intéressaient aux pratiques agricoles durables, comme c’est le cas avec l’initiative SSNUP. Au Burkina Faso, la SIDI a orienté les agriculteurs partenaires vers la culture de pommes de terre biologiques grâce à des subventions qui ont permis d’accompagner les producteurs dans cette transition.

Les panélistes ont également reconnu le rôle important de l’énergie renouvelable dans le secteur agricole à travers l’utilisation, par exemple, de pompes solaires qui permettent de concilier une réduction des coûts de production avec des pratiques respectueuses de l’environnement. Il est fondamental de comprendre les freins à leur adoption dans le milieu rural et de trouver les solutions pour la mise à l’échelle.

Valoriser le secteur agricole et mettre le producteur au centre des solutions

Les jeunes ruraux considèrent l’agriculture comme un secteur précaire, à forte pénibilité et sans débouchés économiques stables, ce qui entraine un exode rural important. ADA et ses partenaires africains élaborent des solutions centrées sur le client pour promouvoir les circuits courts et la production locale par les jeunes entrepreneurs, comme l’initiative YES-FI (Young Entrepreneurs Sustainable Financing Initiative). Ce dispositif, à travers un partenariat entre une institution financière et un incubateur, propose aux PME agricoles un accès au financement à travers des prêts de longue durée et des remboursements basés sur les chiffres d’affaires de leurs entreprises. Ce financement est envisageable grâce à un accompagnement de la jeune PME par un incubateur local qui lui permet de renforcer ses capacités techniques (formations en agroécologie) et entrepreneuriales (marketing, plans d’affaires), afin d’être préparé et éligible au financement.  

Dans les programmes de ADA, les besoins des petits exploitants agricoles sont au centre de nos préoccupations. Une approche holistique est préconisée pour faciliter leur accès au savoir, au financement et au marché en ayant recours aux technologies digitales lorsque cela s’avère pertinent. 

   Nadia Ouriemchi, chargée de programme ADA

Le digital : un outil essentiel

ADA encourage également les exportateurs à s’approvisionner davantage auprès des petits exploitants agricoles. A titre d’exemple, l’entreprise burkinabè Green Hope, partenaire de ADA, a mis en place une plateforme en ligne afin de faciliter l’accès en intrants bios pour les petits producteurs. ADA soutient l’entreprise en digitalisant ses formations afin d’accompagner les agriculteurs dans l’adoption de normes de qualité exigées par Green Hope.

Les plateformes numériques et les outils digitaux ont un rôle clé à jouer pour développer les services dont ont besoin les agriculteurs, et ce à des prix abordables : accès à l’information pour faire des choix judicieux quant à la sélection des semences, la période de plantation et de récolte, ainsi que dans la négociation des prix après la récolte. D’autres exemples de services digitaux ont été évoqués, comme les solutions d’assurance indicielle développées par des insurtechs qui assurent les risques liés à l’élevage au Sénégal, ainsi que plusieurs entreprises de commerce électronique dirigées par des jeunes actifs dans le secteur alimentaire. Afin que ces services fonctionnent, il est essentiel qu’ils soient centrés sur le client et accessibles aux populations mal desservies.

Dans l’ensemble, les panélistes estiment que les crises récentes ont davantage contribué à exacerber les défis existants qu’à en créer de nouveaux. Ces défis, mais également les opportunités qui en découlent, ne sont que quelques-uns des nombreux aspects que nous vous invitons à explorer au cours de la prochaine SAM, qui se tiendra du 16 au 20 octobre 2023 à Lomé au Togo.

https://www.findevgateway.org/fr/blog/2023/02/la-finance-inclusive-comme-reponse-la-crise-alimentaire-et-climatique-en-afrique

Qu’est-ce que la finance verte inclusive ?

La finance verte inclusive reconnaît que les prestataires de services financiers (PSF) inclusifs, tels que les IMF, ont un rôle clé à jouer dans la gestion des risques et des effets du changement climatique.  Elle vise à accroître la résilience climatique des clients des PSF et, dans le même temps, à protéger l’environnement. Parmi les actions à mettre en place on retrouve :

  • La mise en œuvre d’une stratégie environnementale ;
  • L’identification et la gestion des risques, des opportunités et des vulnérabilités d’ordre environnemental ;
  • L’offre de services financiers et non financiers durables.

Ces actions reflètent les structures utilisés par le Green Index 3.0 (du groupe d’action GICSF-AG de l’e-mfp) et la dimension 7 des Normes universelles de CERISE+SPTF sur la gestion des performances sociales et environnementales (USSEPM), des outils qui peuvent aider les institutions à mesurer et à suivre leurs performances environnementales dans le temps. Des approches plus détaillées des taxonomies et des cadres utilisés pour la conception de produits, comme celles disponibles auprès du CFI ou du CGAP, peuvent aider les institutions à comprendre comment améliorer leurs produits financiers pour répondre aux besoins de leurs clients.

Avec les bonnes actions et une approche de finance inclusive verte, les IMF peuvent protéger à la fois leurs clients et le secteur dans son ensemble contre les risques climatiques à grande échelle et la détérioration des conditions environnementales locales.

Quel est le niveau de développement de la finance inclusive verte dans la région MENA ?

L’année dernière, nous avons mené une recherche primaire sur l’état de la microfinance durable dans la région MENA et nous avons constaté que le niveau de compréhension et de développement du champ de la finance inclusive verte était très variable. L’étude, soutenue par la Facilité d’assistance technique de SANAD et réalisée par HEDERA Sustainable Solutions, s’est basée sur des entretiens avec les principales parties prenantes du secteur et sur une enquête menée auprès de 42 institutions de microfinance, représentant les principaux acteurs de la microfinance dans la région. Voici quelques conclusions de l’étude :

  • Stratégie : 40 % des institutions ont introduit le concept de protection de l’environnement dans leur stratégie institutionnelle, ont chargé une équipe de la réalisation des objectifs associés et rendent compte de leurs résultats annuels en interne.
  • Gestion des risques climatiques : la plupart des IMF sont conscientes des risques climatiques, mais cherchent à développer des capacités internes pour suivre et gérer ces risques et pour sensibiliser leurs clients à ces questions.
  • Offre de produits : la moitié des institutions interrogées proposent déjà des produits de finance verte, principalement liés aux technologies vertes et aux pratiques agricoles durables. Cependant, elles manquent encore clairement de soutien pour les aider à mieux suivre ces produits et à accéder à des taxonomies standardisées.
  • Nature de l’environnement : si, dans certains pays comme le Yémen, le Maroc et la Tunisie, on constate une prise de conscience de la problématique et des initiatives gouvernementales, dans d’autres domine la perception d’un manque d’orientation claire de la part des régulateurs. Cependant, des recherches plus approfondies nous ont permis de découvrir des initiatives en cours de développement, telles que les programmes des banques centrales visant à soutenir plus activement les institutions locales dans le développement de produits verts en Egypte et en Jordanie.

Il est intéressant de noter que de nombreuses institutions ont adopté des pratiques durables et une approche de finance verte inclusive par nécessité pour leur activité, plutôt que par stratégie de différenciation ou d’innovation. Certaines IMF ont eu recours à des pratiques durables pour faire face à des bouleversements sociopolitiques et aux menaces externes qui compromettaient la continuité des activités.

Par exemple, au Yémen, le développement de produits verts a permis à Al Amal Bank (AMB) de poursuivre ses opérations et d’assurer la continuité des activités de ses clients. La banque nous a expliqué qu’en raison de la pénurie de carburant et de la fluctuation de son prix, un grand nombre d’agriculteurs et de ménages s’étaient tournés vers les prêts permettant de s’équiper en solutions d’énergie solaire. AMB a fourni des services financiers verts sans intérêts aux particuliers et aux PME, pour lesquels les intérêts seront collectés auprès des fournisseurs.

Au Liban, les services financiers et non financiers verts sont également étudiés pour leur capacité à reconstruire la résilience des entreprises ébranlées par la crise économique. Par exemple, le financement de générateurs et de pompes à eau solaires pourrait aider les entreprises à éviter l’hyperinflation des coûts du carburant. Des formations sur les pratiques agricoles durables pourraient permettre aux participants de créer de nouveaux moyens de subsistance.

À l’heure où l’incertitude géopolitique et les risques climatiques vont croissant, ces expériences nous permettent de comprendre comment la durabilité peut renforcer la résilience des entreprises.

Par quoi les IMF peuvent-elles commencer ?

1. Développer une stratégie de durabilité : pour s’assurer que la direction et le personnel de terrain adhèrent à la démarche de durabilité, il est essentiel de commencer par définir des objectifs et une stratégie. Ce processus implique d’allouer des ressources spécifiques, d’améliorer les normes de reporting en interne et en externe, et de s’aligner sur les normes de mise en œuvre et les certifications internationales.

2. Renforcer les capacités du personnel et des clients : l’organisation de sessions de formation et d’événements à visée éducative, ou la diffusion de documentation peuvent contribuer à promouvoir la finance verte et, dans le même temps, à développer la demande pour ces produits.

3. Intégrer la gestion des risques climatiques dans les opérations : les IMF ont besoin du bon système de gestion environnementale et sociale (SGES) pour établir des objectifs clairs et améliorer les performances institutionnelles, notamment les processus de prise de décision, mais aussi la conception et la fourniture de services financiers et non financiers verts. Les processus de digitalisation en cours peuvent être exploités pour intégrer la gestion des risques climatiques et le suivi des performances des prêts verts.

4. Réaliser des études de marché et tester de nouveaux produits : pour établir un modèle d’affaires viable pour les produits financiers et non financiers verts, les IMF doivent d’abord analyser le marché pour comprendre les pratiques actuelles, les besoins et l’accès global aux services de base. Ensuite, grâce à des projets pilotes et des partenariats, les institutions peuvent évaluer la viabilité de leur offre, mieux négocier les conditions et le partage des responsabilités avec leurs partenaires, et développer la demande locale de services verts.

Les investisseurs, les décideurs politiques, les réseaux de microfinance et les prestataires d’assistance technique doivent être proactifs dans la création d’un environnement favorable à la finance verte inclusive et dans le soutien aux IMF.

Recommandations pour les facilitateurs de l’écosystème

Les investisseurs, les décideurs politiques, les réseaux de microfinance et les prestataires d’assistance technique doivent être proactifs dans la création d’un environnement favorable à la finance verte inclusive et dans le soutien aux IMF qui mettent en œuvre les actions décrites ci-dessus. Pour les facilitateurs de l’écosystème, nous recommandons la mise en œuvre des actions clés suivantes dans le cadre d’une approche KAP (« Know-How, Advocacy and Partnerships ») :

Savoir-faire

  1. Soutenir les études de marché afin de produire des données fiables.
  2. Développer des programmes de renforcement des capacités en partenariat avec les réseaux de microfinance locaux et régionaux.
  3. Fournir une assistance technique spécialisée aux IMF.

Promotion

  1. Diffuser des outils de gestion des données numériques pour l’évaluation des risques environnementaux, l’estimation de la demande de produits durables et le suivi de l’impact.
  2. Développer les capacités internes de gestion des risques environnementaux.
  3. Encourager l’échange des enseignements et des exemples de réussite entre les PSF.

Partenariats

  1. Réunir les différentes parties prenantes de l’écosystème.
  2. Définir des taxonomies normalisées utiles à de multiples parties.
  3. Lever des financements ciblés pour le développement de portefeuilles verts.

Un engagement actif

Le secteur de la microfinance dans la région MENA est confronté à de nombreux enjeux. S’engager activement dans la protection de l’environnement, contribuer à la gestion des risques climatiques, renforcer la résilience et encourager une transition durable est essentiel pour l’avenir du secteur et pour les moyens de subsistance des nombreux individus et entreprises qui se sont développés grâce aux services financiers inclusifs.

Pour plus d’informations sur la finance verte inclusive dans la région MENA et les possibilités de partenariat, veuillez contacter Natalia Realpe Carrillo et Alexander Reviakin.

https://www.findevgateway.org/fr/blog/2023/03/finance-inclusive-verte-une-necessite-et-une-opportunite-pour-les-imf-au-moyen-orient

Innovations digitales : trois points clés pour améliorer la résilience des IMF africaines et de leurs clients

Leçons à retenir de la Semaine Africaine de la Microfinance 2021 pour vaincre les défis et les risques associés à la digitalisation de la microfinance

S’il est une évidence qui s’est imposée lors de la pandémie de COVID-19 pour les acteurs de la finance inclusive, c’est la nécessité d’accélérer la digitalisation des canaux de distribution des produits et services, ainsi que l’importance des partenariats. Si cela est simple à énoncer, la diversité des acteurs et de leurs stratégies de digitalisation soulèvent de nombreux défis, de même que les prérequis au niveau des institutions pour assurer le succès de la digitalisation et la maîtrise des risques qui en découlent.

La SAM (Semaine Africaine de la microfinance), qui s’est déroulée en octobre 2021 à Kigali (Rwanda), a été une occasion unique de faire le point sur les leçons apprises et les défis de cette digitalisation comme facteur de résilience pour le secteur de la finance inclusive et ses clients.

Lors de cet événement, j’ai eu le plaisir de modérer la session « les innovations digitales pour la résilience des institutions de la finance inclusive et des clients en Afrique : acteurs, stratégies, collaborations et défis ». En compagnie d’Olivier Mugabonake (directeur général d’ADFinance et président de l’association des Fintech du Rwanda Fintech),  de Jean-Louis Perrier (responsable du programme Africa Cybersecurity Resource Center for Financial Inclusion (ACRC) et co-fondateur de Suricate Solutions), et d’Ivan Ssettimba (Chef du Bureau Régional Afrique de l’Alliance pour l’Inclusion Financière), nous avons échangé autour des défis propres aux institutions, des principaux goulots d’étranglement réglementaires et politiques qui constituent des obstacles à l’adoption de solutions numériques par les segments de la population à faible revenu, ainsi que de la montée des problèmes de fraude et de cybersécurité.

Des riches discussions avec les panélistes et des échanges avec l’audience, je voudrai partager trois éléments clés.

 L’adoption de canaux digitaux par les IMF est vitale

Un consensus s’est dégagé lors de notre panel pour souligner que la digitalisation n’est pas un luxe ou une option pour les IMF, mais plutôt une nécessité vitale face à la concurrence de nouveaux acteurs. Dans le même temps, celles-ci doivent préserver leur rôle et leur objectif de contribuer à la réduction de la pauvreté des personnes à faible revenu.  De plus, tout en adoptant des outils et canaux numériques pour délivrer leurs produits et services, les IMF doivent continuer à offrir des crédits productifs dans tous les secteurs d’activités, y compris dans l’agriculture. Elles doivent éviter de s’aligner sur l’offre des Fintech et des opérateurs de téléphonie mobile, qui offrent plutôt des crédits de consommation ne pouvant répondre à l’ensemble des besoins de la clientèle.

Cette évolution des IMF vers le digital nécessite des ressources financières pour les investissements dans la technologie, et aussi humaines afin de définir la stratégie, d’identifier et de nouer des partenariats dans une perspective de viabilité à long terme des offres digitales et d’adoption par la clientèle. Le soutien des bailleurs de fonds sera essentiel pour renforcer les ressources et les capacités des IMF afin de mener à bien cette évolution, en particulier pour les institutions de taille réduite qui ne bénéficient pas du soutien d’un groupe international.

 Cette évolution des IMF vers le digital nécessite des ressources financières pour les investissements dans la technologie, et aussi humaines afin de définir la stratégie, d’identifier et de nouer des partenariats dans une perspective de viabilité à long terme des offres digitales et d’adoption par la clientèle.

 Les cadres réglementaire et juridique doivent être adaptés pour faciliter la digitalisation

De nombreux pays ou régions ont introduit des mesures temporaires d’assouplissement des exigences d’identification des clients pendant la pandémie afin de faciliter l’ouverture de comptes, en particulier de mobile money, et ainsi permettre des transactions à distance au moment où les guichets physiques étaient fermés et que la distanciation physique était requise. Cela a été par exemple le cas dans l’Union Economique et Monétaire de l’Afrique de l’Ouest (UEMOA) dès avril 2020. Il serait intéressant d’évaluer l’impact de ces mesures et de les adapter à long terme afin de permettre une plus grande adoption des services financiers numériques par les personnes à faible revenu qui, dans de nombreux cas, ne disposent pas de la documentation requise pour ouvrir un compte.

Ce type d’approche basée sur les risques, avec des plafonds de solde et d’opérations bien définis adaptés aux besoins des clients des IMF présentant peu de risques de blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme dans le respect des règles du GAFI (Groupe d’Action Financière – FATF), pourrait aussi être envisagé pour les IMF. De telles dispositions favoriseraient l’inclusion financière des populations les plus vulnérables, qui bénéficieraient ainsi de services financiers adaptés afin de renforcer leur résilience face aux chocs comme celui de cette pandémie.

Un autre aspect souligné lors du panel porte sur la libéralisation de l’accès au canal USSD, utilisé pour l’envoi des SMS, afin de favoriser l’offre de services financiers accessibles sur des téléphones basiques développée par divers acteurs, notamment les Fintech. Cette libéralisation doit également s’accompagner d’une politique de prix abordable qui nécessite souvent un encadrement de la part du régulateur, comme par exemple au Togo où le régulateur des télécommunications a fixé un prix très bas de la session USSD (3 FCFA, soit 0.005 USD).

 La digitalisation doit s’accompagner de la cyber-résilience afin de maîtriser les risques

La pandémie a poussé de nombreuses institutions de finance inclusive à adopter des solutions digitales avec une préparation limitée, notamment sur la cybersécurité. Le nombre d’incidents a augmenté dans le monde, bien qu’on dispose d’informations limitées pour les quantifier avec précision en Afrique. Si les nouveaux services financiers et canaux numériques disponibles ont en effet contribué à la résilience des populations et des institutions, plus de risques ont été pris par les institutions, ce qui a créé plus d’opportunités pour les hackers. Or ces risques peuvent également s’appliquer aux clients. Il apparaît donc impératif que la cyber-résilience soit améliorée de toute urgence.

Les ressources humaines et financières dédiées à la cybersécurité sont souvent limitées. Pour y faire face, il est nécessaire de collaborer au niveau du secteur en partageant informations et bonnes pratiques en matière de cybersécurité, d’autant plus pour les institutions de taille petite et intermédiaire. De plus, face à une cybercriminalité sans frontières, la réponse doit s’organiser au niveau régional, car de nombreux pays ne disposent pas d’un écosystème de cybersécurité solide. C’est ce qu’offre par exemple le Centre africain de ressources sur la cybersécurité pour l’inclusion financière (ACRC – Africa Cybersecurity Resource Center for Financial Inclusion), qui est un consortium public-privé à but non lucratif financé par le Fonds africain pour l’inclusion financière numérique (ADFI) soutenu par la Banque Africaine de Développement (BAD) afin de favoriser la collaboration de l’ensemble du secteur financier africain, y compris les banques centrales, banques, fintech, IMF, et les acteurs de la micro-assurance.

 Face à une cybercriminalité sans frontières, la réponse doit s’organiser au niveau régional, car de nombreux pays ne disposent pas d’un écosystème de cybersécurité solide.

Comme on peut le constater, les défis sont nombreux et nécessitent à la fois des réformes et des ressources. C’est collectivement que toutes les parties prenantes doivent accompagner les institutions de finance inclusive vers la digitalisation, notamment sur des enjeux aussi complexes mais essentiels que la lutte contre la cybercriminalité, pour assurer la résilience de ces institutions et de leurs clients.

https://www.findevgateway.org/fr/blog/2022/04/innovations-digitales-trois-points-cles-pour-ameliorer-la-resilience-des-imf